La transformation rapide des paysages, causée par les activités humaines et les perturbations naturelles, affecte la biodiversité à l’échelle mondiale. Pour comprendre comment ces changements influencent les écosystèmes et ainsi proposer des stratégies de gestion conciliant exploitation des ressources et conservation, il est essentiel d’analyser la composition et la configuration spatiale des couvertures du sol qui structurent le paysage. Cette question est particulièrement importante dans l’est du Canada, où les grandes forêts boréales sont de plus en plus touchées par les coupes forestières et les feux.
Dans sa thèse de doctorat en sciences de l’environnement à l’UQAT, Enrique Hernandez Rodriguez s’est penché sur l’effet de la structure du paysage sur la diversité des bryophytes, un groupe de plantes comprenant les mousses, les hépatiques et les sphaignes, essentielles au bon fonctionnement des forêts boréales. À l’aide d’une approche multiéchelle, il a analysé comment le paysage influence non seulement le nombre d’espèces, mais aussi la composition des communautés, incluant les espèces rares, ainsi que la diversité génétique.
Ses résultats démontrent que l’expansion des jeunes forêts diminue la diversité des bryophytes dans les fragments de vieille forêt. De plus, la concentration de conifères nuit particulièrement aux hépatiques et aux sphaignes. La majorité des espèces sont rares et vivent dans des milieux bien précis comme les tourbières et les forêts de conifères. Les paysages avec une forte proportion de vieilles forêts et qui ont été peu perturbés depuis longtemps abritent davantage de ces espèces rares. Par ailleurs, l’étude de la mousse commune Dicranum flagellare montre que la manière dont le paysage est structuré influence sa diversité génétique. Une fragmentation modérée et la présence d’habitats variés favorisent les échanges génétiques entre les populations. Ces résultats soulignent l’importance d’intégrer la configuration spatiale et la qualité des habitats dans les stratégies de conservation, surtout dans un contexte de changement global.
Enrique Hernandez Rodriguez a soutenu sa thèse intitulée « Le paysage comme modulateur de la diversité des bryophytes boréales » le 2 juillet dernier. Ses travaux de recherche ont été réalisés sous la direction de Nicole Fenton, professeure à l’Institut de recherche sur les forêts de l’UQAT, sous la codirection de Juan Carlos Villarreal Aguilar, professeur à l’Université Laval. Ses résultats ont d’ailleurs été présentés dans plus d’une dizaine de colloques et congrès scientifiques, et ont mené à la publication de plusieurs articles ainsi qu’à une contribution dans un ouvrage collectif.